Resilience: L’Espoir et la Patience s’embrassent

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«Soyez donc patients, frères, jusqu’à l’avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu’à ce qu’il ait reçu les pluies de la première et de l’arrière saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos cœurs, car l’avènement du Seigneur est proche.» (Jacques 5:7-8)

La résignation semble être le mot qui résume le mieux le moment présent (selon les sociologues). Après une période de lutte et de résistance, vient une période de lassitude et de résignation. Les gens se sentent désorientés, effrayés et anxieux face à l’avenir.

Pourquoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? La résistance (résilience) ne suffit pas, elle doit être accompagnée de patience et d’espoir. Les trois forment un tout indissociable. Ce triangle (divin) nous montre non seulement comment garder espoir, mais aussi à quoi s’attendre à l’heure de l’épreuve.

Cette perception chrétienne de la patience est admirablement décrite dans Romains 5:4-5 :

« …nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et cette victoire l’espérance. Or l’espérance ne troupe point« 

Nous devons apprendre à développer la patience dans l’épreuve et l’espoir dans les temps d’ attente.  Nous découvrirons alors que Dieu peut transformer nos adversités en opportunités.

Trois mots dans le titre : résilience, patience et espoir.  Ils forment un tout indissociable. Nous ajoutons un quatrième élément : le contentement :

  • La résilience : l’adaptation naturelle
  • La patience : un pont vers l’acceptation
  • Le contentement : l’acceptation surnaturelle
  • L’espoir : un aliment de la patience

1-LA RESILIENCE: L’ADAPTATION NATURELLE
En marchant le long de la plage dans une réserve naturelle de l’île de Minorque, j’ai remarqué que la végétation, à la fois les buissons et les arbres, était fortement inclinée dans une direction. Le fort vent du nord, très typique de cette partie de l’île, a façonné un paysage curieux et hautement symbolique. Il était spectaculaire de contempler les troncs épais des pins pliés comme s’ils s’agissaient de jouets en caoutchouc. Pourquoi y a-t-il des arbres qui se fendent quand l’ouragan souffle et d’autres, au contraire, qui s’adaptent à la force du vent en se pliant ?  La réponse est importante car c’est là que réside leur capacité à survivre. Le mot clé est la flexibilité. Plus un arbre est rigide – comme un objet – plus il risque de se casser sous l’effet d’une pression ou d’un choc violent. Inversement, plus il est souple, plus il s’adaptera à une pression intense sans se casser.

Face à l’épreuve, les personnes sont comme des arbres : nous avons une capacité d’adaptation qui nous permet de résister et de réorganiser notre vie après l’impact d’une expérience traumatisante. Cette capacité « élastique » est aujourd’hui connue sous le nom de résilience : la capacité à rebondir après un traumatisme. Une personne « résiliente » est comme les arbres de Minorque : face au vent, elle s’adapte.

Nous voici aujourd’hui ici: il y a eu une adaptation face à l’assaut de la pandémie. C’est le momentum actuel. Mais la résilience seule ne suffit pas chez l’être humain. Si elle n’est pas accompagnée d’autre chose, elle peut déboucher sur la résignation, le stoïcisme dans le meilleur des cas, ou le fatalisme, l’amertume et le nihilisme dans le pire des cas.

La résilience est nécessaire, mais pas suffisante. Elle est basée sur une conception matérialiste et évolutive de l’être humain. En fait, le mot original vient de la métallurgie et de la physique.  Ce n’est que plus tard qu’elle a été appliquée au comportement humain (Boris Cyrulnik). Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui ce concept est devenu à la mode sans discrimination critique : il correspond bien à la façon de penser, à la vision du monde qui se fonde sur une anthropologie matérialiste. En tant que personnes nous avons besoin de plus que de la résilience car nous sommes plus que des arbres ou des métaux.

2-LA PATIENCE : UN PONT VERS L’ACCEPTATION
Au-delà de la résilience, nous devons développer la patience. La patience est l’ingrédient émotionnel et spirituel qui nous distingue des animaux et des objets face à un traumatisme (choc). Si la résilience est une réaction instinctive, la patience est la réaction distinctive des humains dans l’épreuve. C’est aussi le pont vers l’acceptation.

Nous devons bien comprendre le concept car les gens associent la patience à la résignation (le concept stoïcien n’est pas le concept chrétien). L’idée de patience dans la Bible est si riche qu’elle nécessite deux mots complémentaires.

  • Persévérance :  persister
  • La force de caractère : résister.

 «Que le Seigneur dirige vos cœurs vers l’amour de Dieu et vers la patience de Christ!» (2 Thes. 3:5). Si l’amour définit l’essence de Dieu, la patience définit le caractère du Christ. 

La patience est la force de l’esprit : Résister
Le mot original utilisé « makrotimia »  est actif et positif, loin de l’idée populaire (stoïque) de la patience. Il signifie littéralement « grand esprit ». Il fait allusion à un esprit fort et résistant qui reste ferme face à l’adversité. Cette patience n’abandonne pas, ne cède pas aux circonstances difficiles. C’est le contraire d’une personne lâche et pusillanime qui « se noie dans un verre d’eau ».

Elle est loin d’une attitude de résignation, d’un conformisme qui naît de l’impuissance et conduit au fatalisme. Au contraire, la patience chrétienne, fruit de l’Esprit Saint, ne renonce pas mais lutte, elle ne se plie pas mais s’affirme face à l’adversité, elle n’est pas passive mais recherche activement des solutions.

Maintenant, nous avons dit que la patience est un pont vers quelque chose. La patience génère un fruit, elle s’exprime dans une réalité que la Bible appelle le contentement. Le contentement est l’expression visible de la patience.

3-LE CONTENTEMENT : L’ACCEPTATION SURNATURELLE
Si la résilience est une adaptation naturelle, le contentement est une acceptation surnaturelle. Elle nait  de cette patience qui est divine dans son origine, la marque du Christ et le fruit de l’Esprit Saint.

«J’ai appris à être content de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim… Je puis tout par celui qu me fortifie » (Philip. 4:11-13)

Lorsque l’apôtre Paul a écrit ces mots, il était confiné à Rome (probablement en résidence surveillée, pas en prison). Dans tous les cas, un internement involontaire dans des circonstances difficiles. Il ne s’adressait pas à ses lecteurs dans une position de confort, mais dans une situation profondément troublante et en danger direct de mort. Où a-t-il trouvé la force d’envoyer un message aussi serein en plein milieu du procès ?

Il nous donne lui-même la réponse : « J’ai appris à être content ». Le mot original implique une connotation d’indépendance (autarcie) : ne pas dépendre des circonstances, ne pas être lié aux problèmes. Apprendre la satisfaction, c’est donc acquérir une attitude d’une certaine indépendance par rapport aux événements de la vie et ne pas se laisser piéger par eux.

Le contentement nous amène à voir, à penser et à vivre différemment face au traumatisme, au coup. De nos jours, nous parlerions d’acceptation, une acceptation qui n’est pas de la résignation, du fatalisme ou de la passivité, mais la conviction profonde que Dieu réalise ses desseins dans ma vie non pas en dépit des circonstances, mais à travers elles. La conviction que pour Dieu il n’y a pas de déchets dans notre vie.  Il utilise tout, le recycle pour notre bien. On pourrait dire que Dieu est le grand recycleur, un spécialiste de la transformation de nos adversités en opportunités. C’est l’essence même de l’acceptation.

Paul conclut le texte par une phrase qui a inspiré des millions de personnes : « Je puis tout par celui qui me fortifie » (Phil. 4, 13). C’est-à-dire que je peux être plus fort que toute adversité, surmonter toute circonstance lorsque je suis en Christ, « connecté » au Christ. C’est là que nous voyons le plus clairement la différence entre l’adaptation-résilience naturelle et l’acceptation authentique qui est surnaturelle. Être en Christ est la source de notre patience.

4-L’ESPOIR, UN ALIMENT DE LA PATIENCE
«Affermissez vos cœurs, car l’avènement du Seigneur est proche » (Jacques 5:8)

La patience est inséparable de l’espoir. En fait, elle se nourrit, s’alimente d’espoir et génère à son tour de l’espoir dans un cercle divin glorieux (Rom. 5:4-5). On pourrait dire que la patience et l’espoir se confondent dans une étreinte. Nous arrivons au point culminant de notre thème.

« L’espoir est à la vie ce que l’oxygène est aux poumons » (E. Brunner) Mais la question clé est de savoir ce que nous espérons. Notre espoir a, bien sûr, une dimension actuelle. Dans ce cas, nous attendons avec impatience la fin d’une épidémie. Mais cet espoir n’est pas suffisant et peut se transformer en frustration si notre attente n’est pas satisfaite. Nous n’avons aucune garantie que « tout ira bien » (hash-tag).

L’espoir ne s’arrête pas à l’ici et au maintenant, il vole plus haut et remonte à l’éternité. La vie sur terre est un bien précieux, mais ce n’est pas le bien suprême. Le bien suprême est la vie éternelle. C’est pourquoi le Seigneur a averti : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne sont pas capables de tuer l’âme » (Matt. 10:28). Il nous frappe que ce texte précède la promesse réconfortante de la sollicitude de Dieu « car même les cheveux de votre tête sont tous comptés » (Matt. 10:30).

C’est ici que l’espérance chrétienne nous donne un aperçu de l’ÉTERNITÉ. Jacques mentionne à deux reprises la venue du Seigneur en parlant de la patience. Ce n’est pas une coïncidence. La vision de la seconde venue du Christ est la vision de l’éternité et « affermit notre cœur », renforce notre patience. Lorsque nous entrevoyons la gloire de l’éternité avec le Christ, notre contentement est renouvelé et la tribulation actuelle devient « légère et passagère » (2 Cor. 4, 17-18). L’espoir est donc la force motrice et motivante de la patience.

L’espérance chrétienne n’est pas un concept mais une personne, le Christ ; ce n’est pas une idée abstraite mais une expérience de vie ; elle ne se fonde pas sur un désir futur mais sur un événement passé ; elle ne dit pas « tout ira bien » mais « tout allait bien à la croix ». Ce que le Christ a fait un jour et ce qu’il continue à faire aujourd’hui est le fondement de l’espérance qui renforce notre patience et complète notre résilience.

Conclusion : « Que ceux d’entre nous qui sont venus pour s’emparer de l’espoir qui se présente à nous soient donc très réconfortés. Espoir que nous avons comme un ancrage sûr et solide de l’âme ». (Hébreux 6: 18,19)

« Que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et Dieu notre Père, qui nous a aimés, et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle et une bonne espérance, consolent vos cœurs, et vous affermissent en toute bonne œuvre et en toute bonne parole » ( 2Thes. 2:16-17)

Q&R | Question et Réponse
Q :Le concept face à l’épreuve, face aux circonstances difficiles, le discours de « Oh pauvre de moi, regardez ce qui m’est arrivé » où entrerait-il dans ces concepts que vous avez mentionnés ? et la réaction opposée qui serait la colère, la colère contre les circonstances. Ces deux réactions, où entreraient-elles dans ces concepts ? Et lorsqu’une personne tombe en dépression (même si elle est croyante), que s’est-il passé ? Est-ce que la résilience est restée seule, et n’a pas été accompagnée de patience et d’espoir ?

R: C’est une question très intéressante. Commençons par la première partie. Il est important de différencier deux concepts clés. Une chose est l’apitoiement sur soi-même et une autre est la lamentation. Ce sont deux concepts totalement différents. S’apitoyer sur soi-même, c’est penser que vous êtes le malheureux, que tout vous affecte, que toutes les mauvaises choses vous arrivent et que seules les bonnes choses arrivent aux autres. Ensuite, vous tombez dans cette attitude d’apitoiement sur vous-même qui se résumerait par la phrase : « Comme je suis malheureux et comme la vie va bien pour les autres ». L’apitoiement sur soi-même est émotionnellement pernicieux, il est toxique car il peut conduire à l’autodestruction, mais le plus dangereux est que l’apitoiement sur soi-même peut conduire à l’amertume. Et l’amertume est évidemment un péché. L’amertume est bien un péché. L’apitoiement sur soi-même n’est pas un péché, mais la conséquence, qui est l’amertume, l’est. Par conséquent, nous devons éviter de nous apitoyer sur notre sort, ce n’est pas bon, ce n’est pas positif, ni émotionnellement ni spirituellement.

Mais cela dit, la lamentation a sa place dans la Parole de Dieu, et en fait nous pouvons élaborer, c’est l’un des thèmes que j’aime traiter, une authentique théologie de la lamentation. Prenons quelques psaumes, par exemple le psaume 137 : « Sur les bords des fleuves de Babylone, nous nous sommes assis et nous avons pleuré, en nous souvenant de Sion ». Il y a une place pour la lamentation. Et que dire d’un texte monumental comme le chapitre 8 de Romains où l’on nous dit que la création gémit, pleure, mais pas seulement la création, mais nous-mêmes pleurons. Et le Saint-Esprit pleure aussi, intercède pour nous avec des gémissements indicibles, donc, il y a place pour la lamentation. La complainte est biblique. Il y a une juste lamentation dont le Seigneur, loin d’être ennuyé ou en colère, se réjouit car elle est l’expression de voir et de vivre la réalité de ce monde, le mal avec les yeux de Dieu. C’est dans ce sens que le Seigneur Jésus dit : « Heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ». Et le Seigneur Jésus lui-même, en s’approchant de Jérusalem, était en deuil et pleurait sur elle. Il est donc très important d’éviter de tomber dans l’apitoiement sur soi-même, mais la lamentation, loin d’être négative, je dirais que c’est une forme de catharsis, d’expression saine qui nous aide à assimiler les expériences que nous vivons. « Pleurez avec ceux qui pleurent », dit le Seigneur, n’est-ce pas ?

La deuxième partie, la deuxième réaction : la colère. C’est plus ou moins la même chose. Ce sujet, en fait, je le développe assez complètement dans le livre de « Écharde dans la chair », également un peu dans « Au-delà de la douleur », puisque ce sont les deux livres qui ont été mentionnés. En fait, j’explique assez bien le concept de résilience dans le chapitre 3 de « Écharde dans la chair ». Il y a une colère qui peut être un péché parce qu’elle s’exprime contre Dieu. Mais il existe un autre sentiment de colère qui n’est pas un péché car il ne s’exprime pas contre Dieu, mais devant Dieu, face à Dieu. Le problème n’est pas de se plaindre à Dieu, mais de se plaindre de Dieu.

Un exemple nous aide clairement à comprendre cela, le prophète Habacuc. Habacuc, le mot qui est utilisé dans le verset 1 du chapitre 2 est très fort. Il est écrit : « pour savoir ce que Dieu me dira et comment il répondra à mes plaintes « . Le mot est « querelle » dans l’original. Habacuc se plaint à Dieu. Cependant, nous savons que Habacuc a lutté avec Dieu. C’est ce que le nom Habacuc signifie « celui qui lutte embrassé ». Habacuc a lutté pour embrasser Dieu, n’est-ce pas ? Par conséquent, ce n’est pas un péché d’exposer notre colère, notre courroux devant Dieu. Le problème, le danger est de se plaindre de Dieu. C’est ce qui distingue la plainte ou la colère de la fidélité, d’une position de soumission, ou la plainte de la rébellion. C’est la grande différence, n’est-ce pas ?

Eh bien, je me suis étendu, mais la question était impliquait beaucoup. C’est pourquoi j’espère que ces concepts seront utiles. Il est légitime de se lamenter, l’apitoiement n’est pas bon, il est légitime d’être en colère, mais pas contre Dieu mais devant Dieu. Ce serait le résumé.

Q: Merci Pablo. J’ai aimé la partie où vous parlez de triomphalisme parce que nous avons gobé le slogan « tout ira bien », « nous nous en sortirons tous ensemble » et ce genre de proclamations. Et je ne sais pas quelles lignes directrices vous nous donneriez pour que, surtout avec les enfants ou avec d’autres, nous puissions éviter ce triomphalisme et avoir une position plus ciblée. Surtout, il faut penser au fait que les enfants reçoivent ces messages comme une petite pilule pour leur donner de l’optimisme. Qu’est-ce que tu nous conseilles?

R: Intéressant aussi. Je dirais que notre société se situe entre deux extrêmes, n’est-ce pas ? L’un est l’extrême de la pensée magique. L’espoir et la croyance que tout ira bien, par magie. Par exemple, dans notre société, l’accent est mis sur les solutions. Nous voulons des solutions à tout. La solution est automatique, elle est instantanée, elle est magique. Le mot solution n’apparaît nulle part dans la Bible. En revanche, le mot « sortie » apparaît. Il y a une différence très importante entre une solution et une issue, n’est-ce pas ? Le verset que j’ai mentionné plus haut, tiré de 1 Cor. 10:13. Ce que Dieu nous promet n’est pas une solution aux problèmes. Ce que Dieu nous promet, ce sont des voies de sortie.

Mais, notons que le concept de sortie nous donne deux idées très importantes que nous devons transmettre aux enfants. Le concept de sortie à un problème est avant tout un concept réaliste. Ce n’est pas un concept idéaliste, dans le sens positif du terme, ni pessimiste non plus. Tout ne va pas bien se passer, tout ne va pas mal se passer. Car certaines choses se passeront bien, d’autres moins bien, et d’autres encore moins bien. C’est l’équilibre que nous devons avoir. Le réalisme est très important. D’autre part, le mot « sortie » porte l’idée d’effort. Premièrement, vous devez chercher la sortie, vous devez vous renseigner et deuxièmement, lorsque vous avez la sortie, vous devez marcher. Vous devez suivre le chemin que la sortie vous a indiqué, n’est-ce pas ? C’est ainsi, par exemple, que le peuple d’Israël a dû marcher. Pendant 40 ans. Ils n’ont probablement pas aimé la sortie, mais c’était la sortie que Dieu avait prévue. N’oublions pas, en ce sens, que les débouchés que Dieu nous offre font partie de ce processus de recyclage. Recycler les déchets de notre vie, n’est-ce pas ?

Donc, pour résumer, je dirais que c’est important pour les enfants, ainsi que pour les adultes bien sûr de leur transmettre un message qui ne soit pas une pensée magique, un triomphalisme qui ne touche pas le sol, un idéalisme totalement aveugle. À cet égard, il est évident que l’une des spécialités des hommes politiques d’aujourd’hui est de vendre ce genre de pensée magique, n’est-ce pas ? Et nous le voyons non seulement dans les partis d’une couleur, mais aussi dans les partis de l’autre couleur. Toutes les parties ont tendance à vendre ce genre de pensée. Et ne tombons pas non plus dans l’autre extrême que nous disons, qui est l’extrême du pessimisme, du fatalisme, du nihilisme.

Q: Comment construire une foi qui surmonte les obstacles et ne croit qu’au milieu de grandes difficultés ? Comment construire une foi vivante au milieu de situations telles que votre entreprise sur le point de fermer et que vous allez être endetté et à la recherche d’un emploi ?

R: Il s’agit d’une œuvre à deux. Plus encore, il s’agit d’un ouvrage en trois parties. J’aime cette expression « construire la foi ». En fait, le concept qui apparaît dans les épîtres de Paul est celui de « grandir dans la foi », n’est-ce pas ? L’idée de croissance est déjà un processus. Pour avancer vers un état adulte, parfait et mature. C’est le mot « teleios » en grec. « Celui qui a commencé une bonne œuvre en vous l’achèvera jusqu’au jour de Jésus-Christ », le mot ici est de mûrir, de se perfectionner. Mais dans ce processus de croissance, de construction de la foi, il y a trois éléments fondamentaux. D’une part, votre volonté, vous-même. Votre désir d’apprendre, de vous soumettre, d’être prêt à comprendre et à appréhender la volonté de Dieu. Ensuite, il y a l’œuvre du Saint-Esprit, le grand transformateur. Le Saint-Esprit est le grand intercesseur, mais il est aussi le grand transformateur. C’est lui qui fait réellement fonctionner ce processus de transformation en nous. La croissance dans la foi n’est pas une question d’auto-assistance. Nous ne pouvons pas le faire seuls. Dans la foi, dans le développement de la foi, l’aide surnaturelle du Saint-Esprit est indispensable. L’aide de Dieu par l’Esprit Saint. Et le troisième ingrédient, l’aide du peuple de Dieu, de l’église, des frères. L’aide des frères de l’église est très importante pour notre croissance, pour la construction de cette foi. La pire chose qu’un croyant puisse faire dans une période d’épreuve est de s’isoler. L’isolement est une grave erreur. C’est dans les moments d’épreuve que nous avons le plus besoin de la fraternité des frères.

Donc, pour résumer : la foi en temps d’épreuve ou non, à tout moment, se construit avec la combinaison de ces trois éléments : votre volonté de grandir (comme les croyants de Bérée qui ont cherché la Parole pour voir ce qu’elle disait d’eux). Cet esprit de recherche, de développement personnel. L’aide du Saint-Esprit, une aide surnaturelle et l’aide des frères de l’église que nous ne pouvons pas sous-estimer. C’est une aide imparfaite, l’église a des taches, elle a des rides, mais c’est le Peuple de Dieu, c’est le corps du Christ et il est précieux. Et nous devons apprendre à valoriser l’église non pas en dépit de ses défauts, mais avec ses défauts, mais bon  c’est un autre sujet.

Q: Les gens qui tombent en dépression, est-ce parce qu’ils sont restés seulement résilients ? Beaucoup d’entre nous peuvent tomber dans une dépression légère ou sévère dans des situations de douleur qui s’étendent dans le temps, est-ce un manque d’espoir ?

R: Pour qu’une personne tombe en dépression dans une période d’épreuve, il n’est pas nécessaire qu’elle ait en soi des implications spirituelles. La dépression est un trouble émotionnel et les implications spirituelles peuvent venir plus tard. Mais je dirais que la résilience seule, plutôt que la dépression, conduit à ce que nous avons dit au début de la présentation. A la résignation, au fatalisme, à l’amertume, à la passivité, au stoïcisme. Un peu comme ce que l’on trouve décrit dans le livre de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, tout est vanité », non ? En période d’épreuve, la dépression qui peut apparaître est une dépression due à un épuisement émotionnel. C’est un concept intéressant et je vais l’aborder très brièvement.

Les épreuves sont une charge supplémentaire d’énergie émotionnelle. Nous subissons une intense ponction de nos énergies physiques, émotionnelles et spirituelles. Lorsque nous sommes confrontés à l’épreuve, nous sommes en lutte et cela entraine une perte, une énorme dépense d’énergie. Si cette énergie émotionnelle, physique et spirituelle n’est pas suffisamment reconstituée, nous finissons comme Elie (1 Rois 18 et 19). Un paradigme de la dépression due à l’épuisement, dans ce cas non pas au milieu de l’épreuve, non pas au milieu de la souffrance, mais paradoxalement au milieu de la réussite. La victoire sur les Baals, etc… mais la dépression d’Elie était clairement une dépression due à l’épuisement. Il y a trois grands dangers dans une situation d’épreuve. L’isolement que nous avons déjà mentionné, la dépression due à l’épuisement et l’amertume spirituelle. Ce sont les trois grands dangers.

Pour prévenir ces dangers, nous avons besoin de ce dont je parlais précédemment, de ces trois ingrédients qui construisent la foi à l’heure de l’épreuve : notre prédisposition à grandir, l’aide surnaturelle du Saint-Esprit et l’aide de la communion des frères. La dépression en période d’épreuve a un remède, elle a un traitement, ce n’est pas quelque chose qui devrait nous effrayer. Je dirais que c’est presque, dans certains cas, une réponse naturelle et qu’il n’est pas si difficile de traiter et de se remettre d’un épuisement émotionnel au milieu de la souffrance. Je suis bien plus préoccupé par l’amertume de l’épreuve. Il est bien plus difficile de remédier à l’amertume  qu’à la dépression de l’épreuve. C’est pourquoi le Seigneur Jésus a dit à l’apôtre Pierre à Gethsémani, peu avant la croix : « Le diable a demandé de te cribler comme du froment, mais moi, j’ai prié… » Le Seigneur Jésus pouvait demander beaucoup de choses pour eux. Il aurait pu demander que l’ épreuve soit plus courte, il pourrait demander que Dieu les renforce. Tout cela était légitime, cependant, le Seigneur Jésus dit : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas ». Car l’affaiblissement de la foi, le fait de finir dans l’amertume est le danger ou l’un des principaux dangers du temps de l’épreuve.

Q: Je suis enseignant et je suis en contact avec des étudiants et des professeurs. Comment pouvez-vous transmettre ce que vous dites à des personnes au travail qui ont traversé des situations difficiles, que ce soit à cause de la pandémie ou d’autre chose ? C’est parfois difficile, parce que vous savez qu’une grande partie de ce dont vous parlez est basée sur la foi et parfois je me demande, quels sont les petits pas que je peux faire pour qu’ils soient une bénédiction pour quelqu’un qui n’est pas chrétien ? Je dis des petits pas, mais peut-être que vous pouvez prendre des mesures qui peuvent être une bénédiction pour les autres, pour ceux qui souffrent.

 R: C’est une belle question pour terminer. Notre témoignage au milieu de l’épreuve. Il y a quelque chose que vous pouvez faire qui transmet probablement le message le plus puissant. C’est l’un des messages d’évangélisation les plus puissants. C’est « être avec », accompagner. Restez aux côtés de. Lorsque vous êtes aux côtés d’une personne qui souffre, vous transmettez un message d’amour irremplaçable, imbattable. C’est pourquoi le soutien à l’heure de l’épreuve est un instrument puissant, que l’on pourrait même qualifier d’évangélisation. Vous transmettez un message. La deuxième étape, je vous parle d’un point de vue personnel car c’est subjectif, serait qu’ils voient quelque chose de différent en vous, pas différent dans le sens d’excentrique mais d’attirant. La sainteté chrétienne n’a pas besoin d’être excentrique mais attrayante. Il y a quelque chose de différent. Si vous vous souvenez de la biographie de C.S. Lewis « Surprised by Joy », je crois que c’est le titre en anglais, il le mentionne. Il parle que lorsqu’il était au lycée ou à l’université, je ne me souviens plus maintenant, les deux professeurs les plus attirants. Lui était un athée militant. « Les deux professeurs les plus attirants, ceux que j’aimais le plus, ceux qui m’attiraient le plus et que je voulais imiter étaient des chrétiens. Et cela m’a ennuyé », dit Lewis. Mais c’est juste que ces chrétiens ont réveillé en lui quelque chose qui l’a attiré. Une sainteté qui attire. Et je pense que c’est le deuxième petit pas que nous pouvons faire. Tout d’abord accompagner, ensuite  essayer de montrer une différence attrayante à la sainteté et enfin je dirais que la puissance de la Parole de Dieu est absolument irremplaçable, indispensable. Donnez-lui un passage de la Parole, partagez avec lui la Parole de Dieu qui est vivante et efficace. Quelque chose, une lecture ou un commentaire de la Parole, parce que la Parole de Dieu pénètre et Dieu parle à travers la Parole. « Comment peuvent-ils croire s’il n’y a personne pour leur prêcher », n’est-ce pas ? Et prêcher par la Parole est fondamental. Je pourrais dire bien d’autres choses, mais je crois que ces trois outils sont des petits pas que Dieu peut transformer en grands pas lorsqu’il s’agit de témoigner de notre foi. Et n’essayons pas de convaincre qui que ce soit. L’Esprit Saint est celui qui convainc, nous sommes appelés à semer, pas à convaincre.